Bien que réalisé dans un registre très différent de celui auquel elle a habitué ses lecteurs avec ##Frisson l'écureuil## ou ##Chester##, Mélanie Watt propose ici un album extrêmement abouti et toujours aussi inventif, qui permet d'amorcer une discussion approfondie sur le deuil et ses différentes étapes (selon le modèle Kübler-Ross) avec les enfants de 7-9 ans. Le récit aux multiples niveaux de lecture démontre d'ailleurs d'entrée de jeu que le deuil peut prendre différentes formes, qu'il soit lié à la perte d'un ami, d'un animal, d'un être cher ou même de la liberté. Des pertes aussi douloureuses les unes que les autres, comme en témoignent non seulement la mouche, qui commente avec expressivité l'aventure rocambolesque dans laquelle elle est entraînée, mais également Napoléon, dont l'émotion est traduite à merveille par les postures et les mimiques éloquentes qu'il adopte en fixant l'aspirateur, duquel il espère voir surgir sa peluche disparue. Ce c'est que lorsqu'ils lâchent tous deux prise qu'un avenir lumineux s'ouvre à eux, le toutou faisant la rencontre d'une jolie voisine alors que l'insecte retrouve sa liberté au dépotoir, où le tuyau de l'aspirateur se détache en laissant entrer la lumière du jour (dans une métaphore du fameux tunnel de lumière) et en lui ouvrant la porte vers un nouveau quartier à découvrir. Le texte oscillant entre humour et émotivité tient presque uniquement au monologue du diptère, dont les paroles sont rapportées de manière éclatée en de courtes phrases disséminées ici et là au gré de tableaux très texturés. Tableaux réalisés dans un mélange de collage, de photographies et de dessins réalistes catapultant la mouche (dotée d'énormes yeux de type cartoon) au milieu de débris hétéroclites composant un univers clos fourmillant de détails savoureux. Des réclames publicitaires aux slogans ingénieux viennent par ailleurs introduire chaque étape du deuil tout en apaisant la tension dramatique. Un bijou! [SDM]